Projeter la pratique de l’élève
C’est dans ce contexte que l’élève peut identifier plus concrètement la construction de la progression des apprentissages par approfondissement fruit d’une véritable réflexion sur l’articulation entre les différentes parties d’un programme de cycle engagée par l’enseignant ; il s’agit de trouver des fils conducteurs qui permettront de donner du sens à ‘ensemble du programme.
Pour vous aider à projeter la pratique de l’élève, vous trouverez :
- Un article commentant la progressivité pas à pas
- Un schéma exemple de progressivité
- Un schéma exemple 2 de progressivité
Dans ses préparations de cours, le professeur met en œuvre des intentions d’enseignement en prenant appui sur un axe associé à un questionnement précis du programme et sur une problématique mettant en tension des notions plastiques, dont les enjeux devront être découverts par les élèves eux-mêmes grâce à la pratique.
Extraits des programmes :
« Toutes les questions du programme sont abordées chaque année du cycle ; travaillées isolément ou mises en relation, elles permettent de structurer les apprentissages. »
« Les acquis sont réinvestis au cours du cycle dans de nouveaux projets pour ménager une progressivité dans les apprentissages. »
« Les trois questions au programme sont abordées chaque année du cycle ; travaillées isolément ou mises en relation, elles permettent de structurer les apprentissages . »
« Les questions sont travaillées tous les ans dans une logique d’approfondissement » .
D’après Jean-Pierre Astolfi (l’erreur, un outil pour enseigner, 1997, Ed.ESF), il ne faut pas confondre la pédagogie spiralaire (en progressité) et la pédagogie circulaire. À défaut de progresser vers le concept, on tournerait simplement autour sans véritable progression. Il convient dès lors de concevoir une programmation temporelle à l’intérieur des cycles, par année ou par période, et une logique didactique au sein de laquelle les savoirs et les compétences sont pensés graduellement.
Les questions, les notions et les champs de pratiques sont abordés globalement, chaque année, en graduant les difficultés, en variant les angles d’approche, en densifiant et diversifiant les savoirs. Il s’agit de favoriser le passage des expériences aux connaissances, d’enrichir en retour la pratique des savoirs acquis, en étayant les apprentissages, en ouvrant des perspectives de travail, en dégageant des prolongements.
La notion de progression induit une logique didactique : organisation d’une suite graduelle de savoirs en séquences ou séances relatives à un sujet d’étude (organisation selon un ordre progressif de difficultés).
Schéma de progressions :
La progression linéaire n’autorise jamais la possibilité de faire un retour sur acquisition par l’exploitation d’une notion préalablement expérimentée, les notions s’enchaînent les unes après les autres.
La progression circulaire boucle ses apprentissages, elle juxtapose les apprentissages mais n’offre pas la possibilité de revenir sur une notion comme le propose la progression spiralaire à partir d’un même questionnement ou d’une même problématique. Avec la progression curriculaire, cette notion est retravaillée par l’élève de manière différente en apportant un degré de réflexion plus complexe et en ouvrant la possibilité de découvrir une constellation de notions plus approfondies.
Comment alors structurer une progression cohérente des apprentissages par approfondissement et non par simple juxtaposition tout au long du cycle ?
Comment formaliser un parcours en s’assurant que l’élève et le professeur croisent leurs intentions et leurs démarches ?
Penser un outil de progression en ces termes est dès lors éclairant.
À l’aune des ressources Eduscol et des expériences menées lors du stage Enseigner les arts plastiques au collège dans les différents bassins de formation de l’académie d’Amiens, une réflexion sur cet outil est ici proposée.
La progression des apprentissages par approfondissement se pense d’abord à l’échelle du cycle, soit trois niveaux de classe. Elle s’inscrit dans la continuité de chacun des cycles de manière à installer l’élève dans une dynamique d’apprentissage renouvelée et complexifiée à partir d’un même questionnement du programme. Il est donc nécessaire que cet ancrage au programme serve d’appui aux séquences proposées pour aider l’élève à comprendre que ces multiples approches font sens. Elles s’inscrivent en effet dans une logique d’approfondissement des expérimentations qui s’enrichit par degrés de complexité au travers des cycles 3 et 4.
En vue de formaliser un outil sur la progression des apprentissages par approfondissement, les enseignants ont participé lors des formations à un atelier de réflexion à partir de l’axe du programme du cycle 4 et du questionnement suivant :
« L’œuvre, l’espace, l’auteur, le spectateur - La présentation matérielle de l’œuvre dans l’espace, la présentation de l’œuvre ».
- Extrait du Programme : « La présence matérielle de l’œuvre dans l’espace, la présentation de l’œuvre : le rapport d’échelle, l’in situ, les dispositifs de présentation, la dimension éphémère, l’espace public ; l’exploration des présentations des productions plastiques et des œuvres ; l’architecture. »
- Problématique retenue : comment se construit la relation entre l’œuvre et l’espace qui l’accueille ?
Il convient à partir d’un questionnement du programme de construire un parcours d’apprentissage qui aura la particularité de prendre en compte la progression des apprentissages par approfondissement, c’est-à-dire qu’il se complexifiera au fur et à mesure des expérimentations.
Il s’agit maintenant de formaliser la progression des apprentissages par approfondissement sur le cycle à partir des éléments de programme retenus et présentés ci-dessus.
La problématique peut rester la même ou être adaptée pour chacune des séquences, les notions travaillées s’ajoutent, s’enrichissent du plus simple au plus complexe ; l’élève prend conscience d’approfondir le questionnement du programme proposé, car il est amené à travailler de nouvelles compétences au fur à mesure de son parcours de formation.
La problématique retenue - comment se construit la relation entre l’œuvre et l’espace qui l’accueille ? - peut être déclinée en trois questionnements différents au fil du cycle si cela s’avère nécessaire.
Par exemples :
- comment expérimenter et mettre à l’épreuve les limites d’un volume ?
- comment donner une dimension nouvelle à un lieu spécifique (en quoi la cohabitation de divers éléments conçus ou rassemblés par l’auteur (dans une installation) interroge-t-elle la perception de l’espace par le spectateur) ?
- comment révéler un lieu par le corps (si un lieu peut être une composante dépendante d’une œuvre in-situ, quelles sont les données à prendre en compte) ?
À partir de ces trois questionnements, l’objectif est d’amener l’élève à interroger par la pratique la relation qui se construit entre l’œuvre et l’espace qui l’accueille.
La stratégie de formalisation de la progression des apprentissages par approfondissement à partir de l’ancrage au programme se construit en complexifiant l’approche :
- des notions.
- des objectifs traduits en termes de ce que l’élève est amené à comprendre.
- du corpus de références.
Étape 1 :
Le parcours commence au niveau 5e avec des notions et des objectifs qui vont amener l’élève à comprendre les compétences à travailler. Le corpus de référence met en exergue une œuvre forte à questionner, à laquelle s’ajouteront deux autres références diachroniques.
Duane MICHALS, Les choses sont bizarres, 1972, séquence photographique au gélatine d’argent, 12,7x17,8cm.
Duane Michals réalise des séries racontant des histoires, ironiques et souvent féroces. La plupart des photographes sont des reporters, moi je suis un écrivain de la photographie » explique-t-il. Il utilise de fait une narration séquentielle. Dans cette série, chaque image vient faire mentir la précédente, dans une mise en abîme permanente.
« Les photographes s’imaginent que la photo dit tout simplement ce qu’on voit, et que cette réalité c’est la vérité. Moi je n’y crois pas trop à ça, je pense que la réalité est plutôt faite de contradictions, et c’est quelque chose que j’aime bien montrer dans mes photos. J’aime bien contredire ce que vous croyez voir. Dans Les choses sont étranges chaque photo contredit la précédente. La séquence commence avec cette image d’une salle de bains. Dans laquelle apparaît sur la photo suivante un pied géant. La contradiction vient de la taille du pied qui ne cadre évidemment pas avec la salle de bains. À partir de la troisième photo l’appareil commence à reculer, on découvre l’homme qui se tient pieds nus dans cette petite salle de bains, mais ça reste incompréhensible. L’échelle est impossible, on ne sait toujours pas à quoi s’en tenir. La séquence continue et on retrouve l’image de l’homme à la salle de bains dans un livre. On voit un gros plan d’un livre avec un énorme pouce qui contredit de nouveau la photo précédente. L’appareil recule toujours et on découvre un homme debout dans une espèce de passage et on aperçoit le livre par-dessus son épaule. On recule encore et l’image se retrouve tout à coup dans un cadre. Nouveau recul, le cadre a l’air d’être accroché au-dessus d’un lavabo. Et finalement on revoit exactement la même photo qu’au début, sauf que cette fois on remarque bien la petite photo encadrée. Donc on se rend compte que la vérité - la vérité de chaque photo - a toujours été démentie par la photo suivante, et ainsi de suite. »
Étape 2 :
Le parcours se poursuit au niveau 4e, ici avec la même problématique.
Martin KIPPENBERGER, Martin, ab in die Ecke und schäm Dich,1989, sculpture en résine.
En forme d’autocritique, Martin Kippenberger crée en 1989 l’œuvre intitulée Martin, ab in die Ecke und schäm Dich que l’on peut traduire par « Martin, va au coin et honte à toi », où il se représente sous la forme d’une statue réaliste à l’échelle 1, de dos, face à un coin de mur, mis au piquet, le crâne rempli de mégots de cigarettes. Tout dans l’œuvre de Martin Kippenberger rappelle que l’homme est un « animal social ». Dans cette attitude provocante, Martin Kippenberger atteint un niveau de rare sincérité. Il ne prétend rien. Il nous confronte à tout, il nous fait rire, nous ennuie et nous fait réfléchir. Et souvent, il nous met dans l’embarras et nous expose ainsi à notre propre étroitesse.
Étape 3 :
Enfin, le parcours trouve un aboutissement en classe de 3e selon le même principe de progressivité à partir de la même problématique.
Julien PREVIEUX, Roulades, 1998, vidéo.
Julien Prévieux s’est fait connaître par une vidéo qui s’appelle, Roulades. On l’y voyait, casque de vélo sur la tête et bras croisés sur la poitrine, traverser une ville de province en faisant des roulades sans s’arrêter, causant la stupeur des « vieux à bérets comme des jeunes à BMX ». C’était drôle et malin : plus il persévérait dans son geste absurde, plus c’était la ville autour de lui qui semblait bizarre, comme dans un film de Tati. Depuis la vidéo Roulades datant de 1998 jusqu’aux projets plus récents liés à l’élaboration d’une vaste « archive des gestes à venir », le travail de Julien Prévieux trouve sa matière première dans ce qu’on pourrait appeler les formes comportementales réglées du quotidien. Ses interventions dans le champ des pratiques sociales – du monde de l’entreprise à l’espace urbain en passant par les technologies de l’information, les sciences cognitives ou les industries culturelles – portent sur des attitudes et des gestes normalisés.
La proposition de schéma ci-dessous permet de visualiser ce que l’élève est amené à comprendre, elle s’appuie sur un modèle de progressivité d’un formateur arts plastiques d’Amiens.
Pour conclure, la progression des apprentissages par approfondissement peut prendre différentes formes dans la mesure où celle-ci permet une lisibilité des intentions du professeur, et qu’elle crée avec efficacité le lien entre les trois composantes plasticiennes, théoriques et culturelles travaillées dans les séquences indissociables des quatre champs de compétences des programmes et des objectifs renouvelés de manière spiralaire à l’échelle du cycle.
Il reste néanmoins important de veiller à ne pas confondre progression des apprentissages par approfondissement et variations autour d’un questionnement.
- Une variante d’un schéma de progressivité (ci-dessous) partant de la même problématique permet de présenter d’une autre manière le parcours de progressivité des apprentissages par approfondissement de l’élève, elle s’appuie sur le modèle d’une fiche Eduscol.
- Les œuvres du champ référentiel sont choisies à titre indicatif et peuvent être personnalisées en fonction des intentions pédagogiques du professeur.
- Les propositions de chaque situation-problème peuvent également faire l’objet d’ajustements et de réappropriation.
Document de travail proposé par le groupe de formateurs Arts plastiques de l’académie d’Amiens