Arts plastiques

Vous êtes ici : Accueil > Archives > LES EXPOSITIONS. >

Didier Lemarchand au Musée de l’archerie de Crépy en Valois

du 10 septembre au 11 novembre 2016

Musée de l’archerie et du Valois

Crépy-en-Valois - Rue Gustave Chopinet

ouvert tous les jours (sauf le mardi) de 14h à 18h.

03.44.59.21.97

Musée avec réserve

Je suis un visiteur assidu des musées depuis mes jeunes années.
Le regard de l’étudiant a laissé sa place à celui de l’artiste. Je vais moins au musée pour parfaire une culture encyclopédique que pour conforter mon propre regard, le solliciter et l’interroger, le bousculer, cela en dehors de toute référence savante quelconque. Le musée m’est un terrain d’aventure visuelle comme peut l’être tout le réel environnant.

Inversement à ce cheminement personnel, les musées actuels évoluent vers davantage de rigueur scientifique : les oeuvres exposées sont classées, restaurées, accompagnées de cartel informatif ou d’un commentaire proposant une lecture. Nous sommes loin des cabinets de curiosité ou des chambres des merveilles. Ce que nous avons gagné en exactitude nous l’avons perdu en poésie. Le regard est guidé, rassuré par des certitudes.

Ces deux phénomènes expliquent que, maintenant, je suis plus attiré par les petits musées de province qui souvent faute de moyens n’ont pas connu cette évolution. J’y aime le mélange des genres, la coexistence de chefs d’oeuvre au milieu de « croûtes ». La présentation des collections n’y obéit pas à une logique évidente, elle n’a pas toujours de velléité pédagogique. Des associations improbables se mettent en place. Même la muséographie, parfois vieillotte, est en soi source d’étonnement par ses éclairages, la matière de ses murs, ses vitrines au verre déformant.

Réser(voir)

Entrer dans une réserve de musée démultiplie cet état de fait. C’est y trouver des objets qui ne sont pas toujours des oeuvres et encore moins des chefs d’oeuvre, des objets dont on peut encore ignorer la fonction, la provenance ou les auteurs, des objets qui sont en l’état, en partie emballés, poussiéreux.
Tout cela est une invitation à un regard neuf, curieux, aventureux, surréaliste au sens ou l’entendait André Breton : « Surréalisme, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » Manifestes du surréalisme, Folio, p 36.
Les réserves du Musée de l’Archerie et du Valois, comme le révèle son intitulé, recèlent un panel d’objets hétéroclites : s’y côtoient le sport et la religion, l’art populaire et l’art savant, le Moyen Age et notre époque.
Ces réserves sont à l’étroit compte-tenu de la quantité d’oeuvres qui y sont stockées. Elles sont très peu éclairées, certainement dans un souci de conservation.
On y découvre donc des objets dans la pénombre, entassés, en attente de restauration, disposés à coté d’autres objets uniquement pour des raisons d’espace disponible.
C’est à la fois un inventaire à la Prévert, la caverne d’AliBaba ou le grenier de Moulinsart, en un mot, un paradis pour mes yeux.

Photographier et travailler l’image sans réserve

J’ai commencé mes prises de vue avec seulement deux axes de travail :
• mon regard serait celui de la glanerie, de l’école buissonnière, des chemins de traverse. - état de rêverie où l’on se détache momentanément de la réalité présente, où l’on dissocie les objets de leur environnement réel pour les faire entrer dans une autre dimension,
• je photographierais les objets dans leur jus, sans mise en scène pseudo surréaliste. Le principe n’étant pas de créer du mystère, mais de se contenter de révéler celui qui préexiste, la photographie devant rester pour moi un art du hasard, du saisissement.

A ces clichés, temps de l’instantané, a succédé un travail sur ordinateur. Je lève à ce propos une ambiguïté : mes images ne sont pas manipulées dans le sens de création de faux-semblants, d’onirisme à bon marché, ou pire de manipulation du spectateur.
Derrière l’expression travail sur ordinateur, il faut entendre toute une série d’actions qui dans un premier temps vise à opérer un retour à la fois sur le « ça a été » et sur soi, à approfondir, analyser, faire se condenser (au sens freudien du terme) ce qui a provoqué intimement et furtivement une réceptivité au monde ; manipulation qui serait un travail à prendre au sens obstétrique du terme.
Dans un deuxième temps la manipulation consiste, à partir de ça, à créer une image qui avec ses moyens spécifiques, restituerait, dans le temps, le mouvement et l’instabilité de sa lecture, ce qui a été en jeu à l’instant qui a précédé la prise de vue initiale.

Mise à jour : 10 novembre 2016