Emmanuel RIVIERE à Chauny.La première exposition de cette saison 2016...
La première exposition de cette saison 2016 2017 mise en place par Galartco (Galerie d’art contemporain du collège Jacques Cartier.)
Vernissage le vendredi 30 septembre à 18 heures.
Exposition ouverte jusqu’au 17 octobre. (voir document joint.)
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Les dessins d’Emmanuel Rivière
" Dans ses œuvres sur papier, Emmanuel Rivière se défie des pièges de la virtuosité. Pour s’en prémunir, il s’impose des contraintes, feint la maladresse… La première de ces contraintes est celle de la posture. Dessiner sur ses genoux, penché en avant, avec un support instable, sur une feuille aux dimensions restreintes, met d’emblée un frein à tout geste ample, libre, incontrôlé. C’est obliger à l’introspection, c’est tuer dans l’œuf toute velléité d’emphase ou d’affectation, de grandiloquence ou d’hyperbole. Le dessin vient alors du dedans, du dessous, de l’intérieur, de l’intime. Il émerge du fond – de la feuille et du subconscient – plus qu’il ne concrétise, ne projette ou ne finalise une idée générale, un geste avec une quelconque prétention à une portée universelle.
Pour tracer ses lignes, Emmanuel Rivière arme sa main de plusieurs crayons, un peu à la façon dont les cancres, de mon temps, usaient de porte-plume à plusieurs plumes pour copier leurs lignes de punition.1 Il en résulte des irrégularités, des maladresses, savamment dosées, dans le parallélisme, des retards ou des avances d’une ligne par rapport à ses voisines, des virages serrés, d’autres plus larges… On pense à ces modernes charrues à plusieurs socs2 qui creusent simultanément plusieurs sillons, grossièrement identiques et parallèles, mais dont l’aspect change avec la nature du sol. Il en est de même des traits des dessins d’Emmanuel Rivière, qui réagissent à la texture, à la résistance, à l’élasticité, aux imperfections du papier et de la planche qui le supporte. Avec une différence majeure, cependant : Emmanuel Rivière pousse et tire alternativement ses crayons, alors que les boustrophédons de la charrue ne résultent que d’un effet de traction.
Les dessins d’Emmanuel Rivière jaillissent donc de la confluence de deux flux d’énergie : celle, active, de la volonté de l’artiste, même si elle se manifeste sous contraintes, et celle, passive, réactive, souvent imprévisible, du support et de ses accidents. Les différences des mines des crayons ajoutent à la surprise. Il en est de dures et acérées, qui incisent presque le support, des douces et duveteuses, qui s’épanchent dans des contours imprécis, des traits d’un noir profond, des gris indécis, d’autres avec des reflets bleus quand on les regarde latéralement et, parfois, quelques rares incursions de sanguine.
Le trait nerveux et partiellement sujet à des aléas peut faire penser à des relevés sismographiques, à la superposition de tracés d’électroencéphalogrammes, à des coupes histologiques, à des stratifications géologiques, à des paysages de montagne avec leurs lignes de crête, aux veines de planches de bois, aux vagues de la mer, aux jeux de la lumière sur un plan d’eau… C’est que l’on a naturellement tendance à lire ces dessins horizontalement, à l’italienne, mais rien n’interdit de les faire pivoter de 90°, en format portrait. On découvre alors d’autres images, d’autres lectures. Certaines feuilles évoquent alors l’émergence, le jaillissement du blanc par derrière, de la lumière, dans les peintures de Barnett Newman, d’autres l’obsession de la ligne nerveuse et faussement tremblante de Gilgian Gelzer, ailleurs encore les baigneuses sous des cascades de Tal-Coat, là où chevelures et filets d’eau deviennent indissociables.4
Dans les deux cas, le geste semble se poursuivre au-delà du champ délimité par les bords de la feuille, dans une forme de all-over qui récuse à la fois la répétition et l’auto-similarité. En l’occurrence, il s’agirait plutôt d’un fragment d’un tout, d’un cadrage d’une fraction d’un paysage mental qui, telle une parcelle d’un hologramme, serait potentiellement porteuse de la totalité de l’image. On pourrait aussi évoquer la manifestation de ces homothéties internes génératrices de fractales.
Dans la plupart des dessins d’Emmanuel Rivière, deux flux, deux coulées5 se superposent, avec des angles plus ou moins ouverts. Ceci a pour effet de conférer au dessin une profondeur, une troisième dimension qui ne doit rien aux artifices des lois de la perspective. Quand l’angle des deux flux est très ouvert, des effets d’interférence et de battement animent la surface, au point de donner l’illusion d’un mouvement. Quand l’angle est plus ouvert, c’est de la profondeur de champ qui apparaît. Le parallélisme avec l’écriture musicale est flagrant : mélodique en horizontale, harmonique en verticale. Avec une simple rotation de la page pour intervertir les rôles, ce que nulle partition musicale ne saurait produire…"
Louis Doucet, novembre 2012
GALARTCO / Galerie d’art contemporain du collège Jacques Cartier
60 rue Ernest Renan
02 300 CHAUNY
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